Politique de l’animal
L’animal, dans les sociétés occidentales, est l’objet de traitements contradictoires. Son statut va de l’outil industriel standardisé à celui l’animal de compagnie sur lequel on projette des représentations anthropomorphiques. Dans les deux cas, pris au piège, tout comme l’être humain, dans la zone d’influence d’institutions totalitaires, - totalitaires au sens où elles cherchent à contrôler l’intégralité des éléments censés tomber sous leur emprise -, l’animal, même sauvage, se retrouve projeté à l’intérieur de rapports de pouvoir.
Cette instrumentalisation de l’animal questionne.
- Faut-il repenser la place du genre animal dans le Droit, comme le préconisent les antispécistes ?
- Doit-on considérer que le traitement qui frappe certaines catégories animales n’est que le reflet de rapports de pouvoirs, de structure de domination propres à la société industrielle ? Serait-il alors le révélateur des dynamiques qui traversent le genre humain ?
- Quelles sont les voies alternatives à l’élevage marchand artisanal ou industriel ? Comment s’insèrent-elles dans le jeu politique contemporain ?
La politique de l’animal, et en particulier celle de l’animal d’élevage, s’inscrit dans une logique d’exclusion et d’enfermement. Ségrégation par exclusion de l’espace humain, enfermement dans un statut, exclusion du Droit, enfermement fonctionnel, etc.
La mise en œuvre de cette politique dans les sociétés industrielles a pour effet d’accélérer ou d’aggraver la disparition de l’animal d’élevage des zones urbaines et désormais des zones rurales avec l’extension des règles de la ville à la campagne. Cette politique obéit-elle à des pures considérations pratiques, techniques, hygiénistes, comme elle le prétend ? Ou cette disparition ne masque-t-elle pas des causes plus profondes ? N’est-elle pas la marque du discours de domination d’un bio-pouvoir au sens foucaldien du terme, qui cherche à se légitimer en s’appuyant sur une réalité soi-disant intangible : la nature animale ?
Dans une perspective latourienne, cette politique d’exclusion et d’enfermement appliquée à l’animal, ne diffère pas fondamentalement de celle qu’on applique à d’autres minorités humaines ou objectales. Au delà du contenu, il y a en effet à l’œuvre la structure, le contenant, qui obéit à ses logiques endogènes, les institutions qui ont leur propre logique et qui œuvrent comme une force instituante, en produisant l’assignation et l’enfermement de minorités en situation de domination, notamment lorsque le Droit ne reconnaît pas pleinement leur existence.
La convergence des luttes passe aussi par la réhabilitation du pouvoir animal et de celles et ceux qui le soutiennent à travers des pratiques aujourd’hui menacées comme le pastoralisme, ou à travers des pratiques innovantes comme l’élevage urbain ou le développement des fermes ouvertes.